Chroniques de la P'tite Vingnenne 1997

Chronique des pommes de La P'tite Vingnenne


par Danielle Tremblay

SUJETS: LAURENCE REVEY, ARTHUR H, HART ROUGE, ANNETTE

J'aime les pommes de toutes sortes: les rouges fraîches et surettes, les vertes franches mais sucrées, les douces vermillon semblables aux poires... Je ne les déguste pas toutes en même temps. Ma récolte musicale de cet automne est à l'avenant: pleine de surprises et de plaisirs complémentaires.
  1. LAURENCE REVEY

    «Derrière le miroir», auto-production enregistrée chez CB Sound à Londres, 1997.

    «Je devins arbre. Ma tête mûrit et lorsque vint la saison, elle tomba. Elle roula jusqu'à mes racines. Je ris. C'était bien la première fois que ma tête touchait à mes pieds!» (Laurence Revey, poème inédit). D'où nous vient cette plume à la fois candide et détonnante? D'une jeune artiste suisse qui peut s'identifier sans nul doute à l'arbre qui vibre des pieds à la tête et qui fait rayonner ses vibrations en danse, chant et poésie incarnée bien au-delà de la scène où elle se trouve... Le public à l'écoute lors de son spectacle en première partie de Sting ce printemps en sait quelque chose. Le producteur anglais Chris Birkett est le principal collaborateur de ce disque qui compte une brochette de chansons en français, en anglais et quelques incursions du patois romand, fait de plusieurs langues régionales parlées dans les villages séparés par les montagnes de sa terre natale. D'ailleurs Laurence Revey s'est fait connaître en composant dans le patois anniviard (celui de sa grand-mère) avec l'aide de l'écrivain André Pont.

    À chacun de ses spectacles, pieds nus sur la scène, Laurence Revey s'enracine d'abord dans une danse lancinante où voix, corps et percussions s'entrelacent. Chacun des poèmes chantés de l'artiste, plus qu'un tableau, est un mouvement organique où son chant exploite toutes ses facettes dramatiques et où son corps souple entre presque en transe. L'inspiration des musiques africaines et l'expérience du théâtre sont chères à Laurence Revey. C'est une artiste qui conceptualise en même temps qu'elle vibre, ce qui semble assez rare aujourd'hui. Pour son premier disque Laurence Revey s'est adjoint bien sûr un percussionniste ainsi qu'un guitariste, un bassiste et deux choristes. À découvrir absolument. Je vous conseille aussi de visiter son site internet qui contient entre autres un des poèmes inédits dont je vous ai fait part: http://www.scopus.ch/icp/revey/home.html. Vous pouvez aussi y commander son disque!



  2. ARTHUR H

    «Trouble-fête», Polydor France 531-473-2, 1996.

    ARTHUR H (pour Higelin) est un singulier personnage. Il exploite de façon jouissante et ironique une veine de la chanson française qui réconcilie un passé faussement naïf avec un présent incertain. Il vous emmène dans une jungle musicale touffue, colorée, cruelle et merveilleuse, tenant à la fois des ambiances du jazz, de l'exotica, de la chansonnette, du conte et du cinéma. On peut danser, bercés par la houle de la contrebasse, du clavier rhodes et des percussions (toujours sensuelles), comme on peut se perdre dans les évocations délicieuses et déchirantes du «Sculpteur aveugle» et de la «Jeune sauvage» ou jouer dans les méandres de la «Tour Eiffel sidérale» et du «Baron noir» en compagnie d'une trompette, d'une clarinette basse ou même de malicieux échantillonnages d'autres chansons.

    Une réussite pour les climats cosmopolites et pour un beau délire de la langue:

    «Les chats
    au bout de tes dix doigts
    grimpent le long du moi
    ces chats-là
    étranglent la mélancolie
    comme une vulgaire souris (...)
    tu dégoupilles des grenades
    que tu lances au hasard
    Ô toi
    la femme idéale» (extrait de «La femme idéale»)
    Attachez vos ceintures!!!



  3. HART ROUGE

    «Beaupré's Home» (dédié au géant Beaupré), Highway 13/Productions Folle Avoine, H13-0297, 1997.

    Ce disque du groupe canadien Hart Rouge ne comble pas toutes mes attentes: néanmoins c'est une de leurs plus belles productions. Les racines «folk» se font très présentes dans le choix et dans les arrangements de plusieurs pièces: «Sunset on Louisianne» de Zachary Richard, le turbulent «Grain de mil» et la magnifique «La belle s'est endormie» transformée quelque peu par des parfums celtiques en paroles et musique. Mais ce disque se veut surtout une conciliation entre les habitudes musicales de la famille Campagne et les initiatives de chaque auteur/e-compositeur/e membre du groupe familial.

    Michelle Campagne y apporte deux de ses compositions: «Peine» et la fluide «Ramona» tandis que Suzanne Campagne choisit d'interpréter les chansons de Nanci Griffith («Love at the five and dime») et Connie Kaldor («I go out walking») et d'écrire «On the edge» avec Davy Gallant. Guitariste, bassiste et chanteur, Paul Campagne signe toujours une grande partie des arrangements. Le groupe se permet des incursions du côté de la culture MicMac («Vichten») et espagnole («Smaragdos Margara»). Ces pièces de toute beauté révèlent encore une fois la plus grande force du groupe: l'harmonisation vocale. L'apport du percussionniste Michel Dupire n'est pas à dédaigner non plus à travers toutes ces recherches. Les soeurs et frère Campagne offrent peut-être leur meilleur sur la toute dernière pièce de l'album: «À la claire fontaine» dans la version très lyrique du musicien Pierre Guérin, popularisée par le groupe Barde à la fin des années 70.



  4. ANNETTE

    «Sauter de haut», Zéro Musique, 1997.

    Après Carmen - la Diva des tout-petits, Annette est la seconde membre du clan musical Campagne (Hart Rouge) à se lancer seule et sans filet. Le résultat est fascinant sans être tout à fait satisfaisant. Annette écrit des chansons assez raffinées, avec la complicité fréquente de Luc de Larochellière aux textes: «Le coeur est sourd», «Mon ego» et la pièce-titre sont accrocheuses là où il faut. Cependant le style musical qu'Annette tente de se définir puise à des sources trop connues: un portrait de femme tempéré entre rock, pop et folk, comme Laurence Jalbert et Marie-Denise Pelletier l'ont fait avant elle. Malgré une bonne intelligence mélodique, une voix prenante, des arrangements «punchés» de Marc Pérusse - surtout aux guitares - et des textes souvent justes et pointus, la véritable originalité ne se pointe pas toujours. Écoutons et espérons car Annette est meilleure que ce qu'elle nous donne à entendre.

Prochaine chronique sur la neige!!! J'essaierai de vous dénicher des cadeaux insolites pour janvier 98. Entre autres: le dernier DC de Diane Dufresne...

Danie P'tite Vingnenne Tremblay


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