Page d'accueilChroniques musicales acadiennes

UNE MUSIQUE QUI NOUS RESSEMBLE (Rétrospective 1997)

par DAVID LONERGAN

L'année musicale a débuté au son du succès des 12 jours de Noël à la façon des Joyeux Méchants Maquereaux, a failli virer en tragédie avec la faillite d'Atlantica, pour finalement se terminer sous l'ovation d'un Gala FM qui venait souligner le progrès accompli depuis le Congrès mondial acadien de 1994.

Si mon compte n'est pas trop erroné, une trentaine de disques ont vu le jour: du western d'«Aimes-tu la vie» de Marcel Boudreau et de «Le Bon Fricot» de Marcella Richard (avec la suave «Les gars de Mont Carmel»), au bon vieux blues du Glamour Puss Blues Band, en passant par le classique des Volumes 5 et 6 du Manuscrit de Londres de Michel Cardin et du premier disque du Quatuor Arthur-LeBlanc. Sans compter les auteurs-compositeurs-interprètes aux accents pop et rock des «Libérée» de Michelle Boudreau Samson, «Prendre le temps» d'Ulysse Landry, «Vendredi quatre heures» d'Étienne Deschênes et même un peu country, comme c'est le cas du «Avec amitié» de Sylvia Lelièvre. Et puis il y eut le disque des Artistes du Restigouche qui chantaient «Ma belle, ma douce, ma rivière», un témoignage éloquent de leur enracinement.

De son côté, Isabelle Roy a mis de côté le concept de la Belle et la Bête pour se rapprocher d'elle-même et tout simplement relancer son disque en y ajoutant son interprétation de «L'Évangéline» de Michel Conte. À ces disques s'ajoute le mini disque distribué durant l'été à 20,000 exemplaires dans des caisses de Moosehead et sur lequel on retrouvait quatre chansons de Danny Boudreau, Janine Boudreau, Cayouche et Denis Richard: de quoi convaincre n'importe qui d'encourager cette brasserie.

Enfin, pour se rappeler qu'il faut les apprendre les chansons, Calixte Duguay a publié «Alentour de l'île et de l'eau»: un cahier fort bien fait des partitions de 18 des chansons qu'il a écrites entre 1967 et 1984.

Les deux grands événements ont eu lieu aux deux bouts de l'année. Les East Cast Music Awards ont fait vibrer Moncton du 13 au 16 février sous une profusion de spectacles; pour une rare fois, Moncton s'est surprise à se penser française: une excellente préparation psychologique pour le Sommet de la francophonie de 1999. Parmi les faits marquants, la remise du prix Dr Helen Creighton pour l'ensemble de sa carrière à Édith Butler, première francophone à le remporter, et le prix du meilleur album francophone à Barachois, qui ont eu le rare privilège de taper sur la tête de Frank McKenna grâce à une de leurs fantaisies scéniques, sans doute pour le persuader d'augmenter l'enveloppe budgétaire des arts.

En novembre, c'était au tour de la FrancoFête d'animer Moncton avec un ensemble d'activités placées sous les noms évocateurs de Coup de Coeur francophone et de Vitrines Explo-franco-fun. Le Gala FM de la chanson acadienne, organisé par les radios communautaires de la province en collaboration avec Radio-Canada et présenté par Radio Beauséjour, a rempli le Capitol d'une foule chaleureuse qui avait conscience de vivre un événement unique: pour la première fois, l'Acadie rendait hommage à sa musique. Parmi les principaux récipiendaires de l'Étoile, un Denis Richard fort ému, un Marcel Boudreau bien encouragé, des Bons Tymeux ben surpris d'en gagner deux, et des Méchants Maquereaux privés de leur porte-parole habituel puisque Roland Gauvin assumait, avec chaleur et compétence, l'animation du gala.

L'année a aussi donné lieu à de grands spectacles dont plusieurs ont été organisés dans le cadre du 35e Festival acadien de Caraquet en août. Tandis que la Péninsule vibrait sous les étoiles et que Radio-Canada filmait le spectacle dans lequel on retrouvait Donat Lacroix, Angèle Arsenault, Janine Boudreau et Trans'Acadie, 10,000 personnes étaient rassemblées sur le terrain du Monument Lefebvre à Memramcook pour entendre Marie-jo Thério, Zachary Richard, Suroît, Bois-Joli et le Glamour Puss Blues Band.

L'arrivée de TFO sur les ondes devrait aider à une meilleure diffusion de notre musique. La série de 26 émissions «La Boîte à chansons d'aujourd'hui», animée par Chuck Labelle, enregistrée pour la moitié acadienne à Moncton et diffusée depuis septembre, est une première réalisation en ce sens.

L'impact de ce genre d'émissions aurait été amoindri si les disques avaient été inaccessibles. Or, la faillite d'Atlantica, le distributeur d'à peu près tous les disques acadiens, a mis en péril cette fragile et petite industrie. Heureusement, Distribution Plages, une toute petite maison de distribution fondée en novembre 1996 et construite autour de Cayouche, a su relever le défi. En six mois, la compagnie a non seulement su se doter d'un réseau de distribution fiable mais elle a obtenu sa reconnaissance de MusicAction, l'organisme pan-canadien qui participe au financement des disques. La faillite d'Atlantica a finalement eu des effets positifs: l'Acadie contrôle maintenant toutes les facettes de son industrie musicale.

(Source: la revue «Acadie nouvelle», 7 janvier 1998)

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